Droit de republication
Des textes législatifs pour faciliter le green open access par les chercheurs !
Appel aux professeurs et juristes des universités suisses spécialistes de la propriété intellectuelle
[Publication 15.05.2017, mises à jour 25.05 and 26.06 2017]
La stratégie Open Access (OA) publiée par swissuniversities le 31.01.2017 formule: "Pour assurer la durabilité de la transition vers l’OA, le cadre de réglementation devrait être adapté de manière à ne pas seulement autoriser, mais aussi encourager l’OA et la réutilisation. La révision actuelle de la loi suisse sur le droit d’auteur devrait prévoir (...) qu’un droit inconditionnel à une seconde publication soit accordé, comme la communauté scientifique l’a demandé au cours de la consultation".
La question est donc de savoir quels juristes universitaires et professeurs de droit travailleront avec leurs rectorats sur la création de ce nouveau cadre législatif, et comment ils vont s’organiser pour l'adoption d'une position commune nécessaire aux négociations avec les éditeurs dont les lobbies et associations sont puissants et bien organisés ?
Voici réunis en un seul coup d'oeil, des propositions embryonnaires concrètes de positions et de modifications de textes de loi, dont les points forts et faibles pourraient être discutés lors de Swiss IGF le 30.05.2017, pendant le thème "Accès et conditions réglementaires des publications scientifiques – Le droit d’auteur, une barrière ou un pilier?" Ce forum et ce billet pourraient-ils encourager la constitution d’un groupe de travail de professeurs, juristes et responsables d'archives ouvertes pour la réalisation du droit de republication?
"Au printemps 2016, la proposition d’un droit impératif de republication n’a pas trouvé d’écho dans le texte de la révision de la loi sur le droit d’auteur (LDA) établi par le groupe AGUR 12, et ce au regret de swissuniversities, qui considère ce droit de deuxième publication comme indispensable dans le contexte actuel de la publication scientifique" (voir position 5.409_swissuniversities ou dans le lien direct sur site web).
Dans la position 5.999 de l’association STM (International Association of Scientific, Technical, and Medical Publishers), Mme Barbara Kalumenos ne relève pas ce manque bien sûr, mais elle ne se prive pas de rappeler l’importance du domaine de l’édition scientifique pour la Suisse en introduction du texte, qui sonne à mes oreilles comme un coup de semonce intimidant à l'égard du désir de changement du droit d'auteur en Suisse (traduction libre de l’allemand au français): « STM est la principale association mondiale pour l'édition scientifique avec plus de 120 membres de 21 pays, dont la Suisse (Bâle Karger, Hogrefe Verlag, Berne, anciennement Hans Huber Verlag; divers groupes d'édition ont des sièges de grandes entreprises en Suisse, par exemple, Elsevier, SpringerNature et Informa). Les membres de l'édition STM regroupe plus de 60% de l’édition scientifiques, dont plus de 55% des revues scientifiques actives publient des articles OA, des milliers d'imprimés, livres numériques, et bases de données de référence » [note1]
M. Dani Landolf, pour l’association des libraires et éditeurs suisses SBVV (Schweizerischer Buchhändler und Verleger Verband), déclare dans l'Argauer Zeitung (libre traduction de l’allemand): « - Un droit garanti par la loi à la publication secondaire équivaudrait à une expropriation des éditeurs scientifiques privés, dit-il. Celui qui promeut cette idée rompt une coopération de plusieurs siècles éprouvés entre la recherche et les éditeurs. La position de la SBVV reçoit le soutien de M. Emanuel Meyer de l'IPI (Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle): - L’OA ne couvre pas un droit garanti par la loi à la publication secondaire, dit-il. Une telle disposition pourrait plutôt être convenue par contrat ».
L’association STM, la SBVV, et l’IPI ne soutiennent pas l’idée de l’introduction d’un droit de republication des publications scientifiques. Les groupes AGUR 12 et AGUR 12 II ne comprennent aucun représentant de la recherche, et Mme Danielle Kaufmann, représentante des bibliothèques universitaires pour un droit de republication, est bien esseulée. Ces éléments expliqueraient peut-être l’absence de proposition de l'introduction de ce droit dans le projet du printemps 2016 soumis à consultation, point qui n’avait toujours pas été mis à l’ordre du jour des séances du nouveau groupe de travail AGUR 12 II depuis août 2016 et jusqu’en janvier 2017 ? (Argauer Zeitung). Le communiqué de presse du 2 mars 2017 de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle ne comprenait aucune mention du droit de republication, ou de l'abrogation de la cession exclusive du Droit d'Auteur du chercheur-auteur à l'éditeur.
J’ai épluché les prises de position de la consultation en réaction à la consultation sur le projet du groupe AGUR 12, qui ont été publiés en décembre 2016, après la publication de mon texte en novembre 2016. Quelques textes contiennent des propositions concrètes de réalisation du droit de republication, dont les formulations vont plus loin qu’un simple souhait d’adoption de ce droit. A mon avis, ces positions complètent celles de swissuniversities et la mienne, et ensemble, elles suffisent à faire émerger les enjeux centraux qui devraient être discutés entre les hautes écoles, avant la rédaction de propositions de textes législatifs et/ou réglementaires et avant d’entamer les négociations avec leurs inévitables contradicteurs :
- Un droit de republication est-il vraiment nécessaire à l’OA ? Ne risque-t-il pas de contribuer à perpétuer un modèle d’abonnement à des licences qui entravent la circulation des idées et l’émergence de nouveaux modèles OA?
- La création d’un droit de republication doit-il être uniquement soutenu par des modifications de loi(s), ou devrait-il être réalisé par des règlements universitaires et/ou des contrats?
- Quels articles de loi doivent être modifiés, amendés ou mieux appliqués pour l’introduction et le soutien au droit de republication ? Loi sur le Droit d’auteur (LDA), Code des Obligations (CO), Loi Fédérale sur le Droit Privé International (LDPI)? Comment s'assurer un droit de republication sur des contrats d'édition internationaux, autrement dit, comment faire en sorte que le droit suisse s'applique à des contrats d'édition pour permettre aux chercheurs d'exercer réellement leur droit de republication?
- Est-ce que la cession exclusive du droit d'auteur(-chercheur) à l'éditeur doit être interdite? Si oui, comment?
- Sur quel type de document s’appliquerait un droit de republication ? Articles peer-reviewed, articles de conférences, thèses, livres, chapitres de livres, revues critiques de monographie ou chapitre de monographie issus de la recherche publique suisse?
- Sur quel type de manuscrit d’article peer-reviewed s’appliquerait le droit de republication ? PrePrint (= pre-referee)? Post-print (post-referee=article accepté)? Version d’éditeur (= pdf de version finale publiée par l’éditeur)?
- Un embargo doit-il être adopté, sur quel type document et type de manuscrits d’auteur afin d’équilibrer le rapport chercheur-auteurs et éditeurs ?
1. swissuniversities Prise de position de swissuniversities sur la révision de la loi sur le droit d’auteur et le droit voisin
- "Le frein actuel est lié au droit contractuel existant entre les auteurs et les éditeurs, qui une fois signé exclu une publication autre qu’au travers de l’éditeur en question. Les dispositions sur le contrat d’édition figurent aux articles 381 al. 1, 382 et 393 al. 2 du Code des obligations. Or, les oeuvres scientifiques ont vocation à être disponibles, accessibles et publiées de manière gratuite et durable. Ce droit de deuxième publication doit pouvoir être garanti sans qu’un contrat d’édition ne puisse s’y substituer. Grâce au droit de deuxième publication, les auteurs scientifiques auraient la possibilité de publier leurs travaux en ligne dans une courte période suivant la première publication sans payer de frais supplémentaires. Il va sans dire que sans cette deuxième publication, la stratégie Open Access sera presque impossible à mettre en oeuvre"
- Objet du droit de republication - spécification du type de document : n/a
- Objet du droit de republication - spécification de la version de manuscrit d’article peer-reviewed : n/a
- Période d’embargo : courte période
- Articles de loi concernés : LDA et CO à modifier
- Proposition de texte de loi rédigée : n/a
2. Conférence des Bibliothèques Universitaires ( CBU) L'open access dans les bibliothèques des hautes écoles suisses - Concrétisation de la position de la CBU
- "Le droit de deuxième publication doit être facilité par des règles simples prévoyant des périodes d’embargo courtes (conformes aux délais observés en Europe et aux USA : de 6 à 12 mois max.). Après échéance d’une période d’embargo, c’est la version finale de l’éditeur qui doit pouvoir si possible être diffusée. Par contre, aucun embargo ne doit être exigé pour les postprints (manuscrits acceptés). La mention obligatoire de déclarations telles que « Ce texte est soumis aux dispositions de… » doit en outre être abolie"
- Objet du droit de republication - spécification du type de document : n/a
- Objet du droit de republication - spécification de la version de manuscrit d’article peer-reviewed : pdf éditeur, post-prints, preprints
- Période d’embargo : pdf éditeur : aucun, post-print et preprints : 6 à 12 mois
- Articles de loi concernés : n/a
- Proposition de texte de loi rédigée : n/a
3. Rechtswissenschaftliches Institut, Zürich Profs Florent Thouvenin, Daniel Hürlimann, Bertil Cottier, & Blaise Carron [sur le site IPI, position 6.87], ParlDigi (Groupe parlementaire pour une informatique durable) Vernehmlassungsantwort zum Entwurf des Urheberrechtsgesetzes, Académie des Sciences Humaines et Sociales Vernehmlassung zum Urheberrechtsgesetz (URG), FNS (Fond National Suisse) Änderung des Urheberrechts-Gesetzes; Vernehmlassung des SNF
- "Cela crée le risque que la loi de la publication secondaire ne s'applique pas, en dépit de son caractère obligatoire dans un contexte international. Cependant, la Loi fédérale sur le Droit Privé International (LDPI) prévoit que certaines dispositions du droit suisse sont applicables et prévalent sur un droit étranger (Art. 18 de la LDPI) à certaines conditions, et que l'on appelle. « Loi d'application immédiate ». Cela est particulièrement le cas lorsqu'une détermination tient compte du but spécifique de la mise en application exclusive, par exemple, parce qu'elle a été adoptée dans l'intérêt public ou parce qu'il sert la protection sociale. Ces deux conditions réunies ici. Tout d'abord, la loi de la publication secondaire est de veiller à l’accessibilité à la recherche financée avec des fonds publics; d'autre part, il faut aider l'auteur ou le détenteur du droit à l’empêcher de transférer le droit de publication secondaire à l'éditeur parce qu'il n'a pas suffisamment de pouvoir de négociation dans les négociations contractuelles. (...) Afin d'éviter toute confusion I’Institut de Droit devrait informer explicitement le Conseil Fédéral dans le message publié avec le projet de loi, que la loi de la publication secondaire doit être considérée comme une « loi d'application immédiate" (libre traduction de l'allemand)
- Objet du droit de republication - spécification du type de document : n/a
- Objet du droit de republication - spécification du manuscrit d’article peer-reviewed : n/a
- Période d’embargo : n/a
- Articles de loi concernés : Art.381 CO à modifier, et Art.18 LDPI à appliquer
- Proposition de texte de loi rédigée : Nouveau § à Art. 381: Nicht auf den Verleger übertragen werden kann das Recht, einen mit öffentlichen Mitteln finanzierten Beitrag für eine wissenschaftliche Zeitschrift oder ein wissenschaftliches Sammelwerk unentgeltlich öffentlich zugänglich zu machen »
4. Sylvie Vullioud (Re)donner le droit d'auteur aux chercheurs-auteurs scientifiques par la Loi sur le Droit d'Auteur (LDA) et le Code des Obligations Suisse (COS)
- "L'auteur d'un article scientifique conserve son droit d'auteur exclusif sur les versions publiée, le pre-referee et post-referee d'un article scientifique. La cession exclusive du droit d'auteur à un éditeur par contrat est interdite. Le chercheur accorde au mieux une licence non exclusive d'exploitation de son article à un éditeur, ou d'un commun accord avec l'éditeur, ne prévoit aucune cession. Ce dispositif s'applique lorsque cette contribution scientifique est née d'une activité de recherche financée, même en partie, par des ressources publiques suisses et publiée dans un journal à comité de lecture"
"En droit privé international, le principe de la loi d'autonomie autorise les parties au contrat international à désigner la loi applicable au contrat. Mais si un article scientifique est issu d'une recherche d'un financement public suisse, qu'elle est réalisée en Suisse ou en partie, et que le droit est exclusivement détenu par le chercheur-auteur, on peut considérer que c'est l'article 122 de "l'application des contrats en matière de propriété intellectuelle de la Loi fédérale sur le Droit International Privé (LDIP)" qui s'appliquerait, c'est à dire la loi suisse (le lieu de la réalisation de la recherche se rattacherait au contrat de licence)"
- Objet du droit de republication - spécification du type de document : article peer-reviewed
- Objet du droit de republication - spécification du manuscrit d’article peer-reviewed : post-print et preprints
- Période d’embargo : post-print et preprints : 6 à 12 mois
- Articles de loi concernés : LDA et Art.381 CO à modifier, et Art.122 LDPI à appliquer
- Proposition de texte de loi rédigée : n/a
Beaucoup de bibliothèques et rectorats d’hautes écoles, et la DUN (Fédération des Droits Voisins [note 2] ont formulé leur adhésion au droit de republication. Les rectorats, les administrations, les bibliothèques, les services de soutien à la recherche, et les formateurs à la publication scientifique peuvent donner des directions pour réaliser Open Science et faire remonter les difficultés et entraves actuelles de la mise en œuvre du Green-OA par les chercheurs.
Mais ils ont besoin de leur pairs universitaires juristes et professeurs spécialistes de la propriété intellectuelle pour rédiger des nouveaux textes de lois et règlements institutionnels, et se battre auprès d’elles pour refuser les signatures de contrats défavorables à la réalisation d’Open Science.
Spécifiquement, des juristes et professeurs de droit spécialistes de la propriété intellectuelle, les responsables des archives ouvertes institutionnelles, et des formateurs à la publication scientifiques pourraient constituer un groupe de travail financé par les projets de la Confédération P5 Information scientifique pour l'adoption d'une position commune qui soutienne la stratégie OA de swissuniversities; ce même groupe, mais élargi, pourrait aussi travailler sur les dispositifs législatifs permettant la transparence des coûts des licences et APC (Article Processing Charges), l’appui aux négociations des licences, l’appui aux négociations pour des offsettings, et l'appui à la réalisation d'Open Research Data (ORD) articulées avec la confidentialité, le secret des affaires, et la protection des données. ORD doit aussi être compatible avec les règlements universitaires et les agences de financement suisses et européennes. Ce groupe de travail pourrait être par la suite transformé en service de soutien juridique à Open Science?
J’espère que ce billet contribuera à des échanges d'idées et de compétences?!
[Ajouts 25.05.2017 et du 26.06.2017 ]
Si l'abandon de la pratique de la cession exclusive du Droit d'Auteur à l'éditeur pour les articles peer-review et manuscrits d'auteurs est impossible à faire passer par un changement de loi, une solution moins radicale et pragmatique serait de suivre l'idée de Untangling Academic Publishing A history of the relationship between commercial interests, academic prestige and the circulation of research: "University leaders should introduce measures to ensure that the copyright in academic work is retained by its creator, rather than being transferred into third-party organisations. This is an appropriate rebalancing that will allow researchers to assume greater responsibility in the dissemination of the fruits of their work"(p.19). Les Universités du Sussex en UK ont choisi de réaliser cette idée par la formulation règlement UK Scholarly Communications Licence, en exploitant la pratique actuelle du contrat d'édition, qui comprend le transfert des droits d'auteur par signature après l'acceptation de l'article révisé par les pairs; le nouveau règlement demande aux auteurs de déposer dans les archives institutionnelles l'article accepté avant la signature du contrat de cession exclusive des droits pour publication, ce qui empêche la période d'embargo sur les manuscrits d'auteur-chercheurs. Ces derniers apposent une licence CC-BY autorisant une réutilisation commerciale, pour rendre possible une publication par un l'éditeur. Un service juridique anglais a évalué les risques de recours par les éditeurs: ils seraient nuls, ainsi que les refus de publication aux auteurs-chercheurs, les éditeurs ne prenant pas le risque d'endommager leur réputation. Idée séduisante pour les inconditionnels pro open access, mais selon moi, cette solution comporte un problème majeur: le chercheur n'est pas libre d'apposer la license de réutilisation sur son manuscrit, et cela pourrait constituer une atteinte à la liberté académique. Mais cette disposition réglementaire est intéressante pour sa souplesse: elle pourrait être utilisée transitoirement pour faire pression sur la nécessaire réforme du droit d'auteur?
Si les modifications et applications de loi en faveur de l'OA sont impossibles à obtenir, l'alternative ne pourrait-elle pas être la participation à la future plateforme de publication par la Commission Européenne, ou la création d’une plateforme de publication par le Fonds National Suisse (FNS) sur le modèle des plateformes du Wellcome Trust et Bill & Melinda Gates Foundation, ou sur une nouvelle idée ?
Note 1 : en fait, seul le siège social d’Informa est à Zug, car les sièges sociaux d’Elsevier du groupe RELX se trouvent à Londres et Amsterdam, et celui de NatureSpringer du groupe Holzbrinck à Stuttgart. RELX et NatureSpringer ont des holdings à Neuchâtel et Zürich. Le qualificatif siège est donc à traduire sociétés mères ou holdings principales, qui organisent l'optimisation fiscale des groupes. Le nombre d'emplois en Suisse liés aux activités de ces holdings est donc faible.
Note 2 : la DUN intervient pour la défense des intérêts de tous les utilisateurs de droits d’auteur et de droits voisins, et dont les activités portent entre autres sur les questions de principe en matière d’intervention de l’Etat.
La stratégie Open Access (OA) publiée par swissuniversities le 31.01.2017 formule: "Pour assurer la durabilité de la transition vers l’OA, le cadre de réglementation devrait être adapté de manière à ne pas seulement autoriser, mais aussi encourager l’OA et la réutilisation. La révision actuelle de la loi suisse sur le droit d’auteur devrait prévoir (...) qu’un droit inconditionnel à une seconde publication soit accordé, comme la communauté scientifique l’a demandé au cours de la consultation".
La question est donc de savoir quels juristes universitaires et professeurs de droit travailleront avec leurs rectorats sur la création de ce nouveau cadre législatif, et comment ils vont s’organiser pour l'adoption d'une position commune nécessaire aux négociations avec les éditeurs dont les lobbies et associations sont puissants et bien organisés ?
Voici réunis en un seul coup d'oeil, des propositions embryonnaires concrètes de positions et de modifications de textes de loi, dont les points forts et faibles pourraient être discutés lors de Swiss IGF le 30.05.2017, pendant le thème "Accès et conditions réglementaires des publications scientifiques – Le droit d’auteur, une barrière ou un pilier?" Ce forum et ce billet pourraient-ils encourager la constitution d’un groupe de travail de professeurs, juristes et responsables d'archives ouvertes pour la réalisation du droit de republication?
"Au printemps 2016, la proposition d’un droit impératif de republication n’a pas trouvé d’écho dans le texte de la révision de la loi sur le droit d’auteur (LDA) établi par le groupe AGUR 12, et ce au regret de swissuniversities, qui considère ce droit de deuxième publication comme indispensable dans le contexte actuel de la publication scientifique" (voir position 5.409_swissuniversities ou dans le lien direct sur site web).
Dans la position 5.999 de l’association STM (International Association of Scientific, Technical, and Medical Publishers), Mme Barbara Kalumenos ne relève pas ce manque bien sûr, mais elle ne se prive pas de rappeler l’importance du domaine de l’édition scientifique pour la Suisse en introduction du texte, qui sonne à mes oreilles comme un coup de semonce intimidant à l'égard du désir de changement du droit d'auteur en Suisse (traduction libre de l’allemand au français): « STM est la principale association mondiale pour l'édition scientifique avec plus de 120 membres de 21 pays, dont la Suisse (Bâle Karger, Hogrefe Verlag, Berne, anciennement Hans Huber Verlag; divers groupes d'édition ont des sièges de grandes entreprises en Suisse, par exemple, Elsevier, SpringerNature et Informa). Les membres de l'édition STM regroupe plus de 60% de l’édition scientifiques, dont plus de 55% des revues scientifiques actives publient des articles OA, des milliers d'imprimés, livres numériques, et bases de données de référence » [note1]
M. Dani Landolf, pour l’association des libraires et éditeurs suisses SBVV (Schweizerischer Buchhändler und Verleger Verband), déclare dans l'Argauer Zeitung (libre traduction de l’allemand): « - Un droit garanti par la loi à la publication secondaire équivaudrait à une expropriation des éditeurs scientifiques privés, dit-il. Celui qui promeut cette idée rompt une coopération de plusieurs siècles éprouvés entre la recherche et les éditeurs. La position de la SBVV reçoit le soutien de M. Emanuel Meyer de l'IPI (Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle): - L’OA ne couvre pas un droit garanti par la loi à la publication secondaire, dit-il. Une telle disposition pourrait plutôt être convenue par contrat ».
L’association STM, la SBVV, et l’IPI ne soutiennent pas l’idée de l’introduction d’un droit de republication des publications scientifiques. Les groupes AGUR 12 et AGUR 12 II ne comprennent aucun représentant de la recherche, et Mme Danielle Kaufmann, représentante des bibliothèques universitaires pour un droit de republication, est bien esseulée. Ces éléments expliqueraient peut-être l’absence de proposition de l'introduction de ce droit dans le projet du printemps 2016 soumis à consultation, point qui n’avait toujours pas été mis à l’ordre du jour des séances du nouveau groupe de travail AGUR 12 II depuis août 2016 et jusqu’en janvier 2017 ? (Argauer Zeitung). Le communiqué de presse du 2 mars 2017 de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle ne comprenait aucune mention du droit de republication, ou de l'abrogation de la cession exclusive du Droit d'Auteur du chercheur-auteur à l'éditeur.
J’ai épluché les prises de position de la consultation en réaction à la consultation sur le projet du groupe AGUR 12, qui ont été publiés en décembre 2016, après la publication de mon texte en novembre 2016. Quelques textes contiennent des propositions concrètes de réalisation du droit de republication, dont les formulations vont plus loin qu’un simple souhait d’adoption de ce droit. A mon avis, ces positions complètent celles de swissuniversities et la mienne, et ensemble, elles suffisent à faire émerger les enjeux centraux qui devraient être discutés entre les hautes écoles, avant la rédaction de propositions de textes législatifs et/ou réglementaires et avant d’entamer les négociations avec leurs inévitables contradicteurs :
- Un droit de republication est-il vraiment nécessaire à l’OA ? Ne risque-t-il pas de contribuer à perpétuer un modèle d’abonnement à des licences qui entravent la circulation des idées et l’émergence de nouveaux modèles OA?
- La création d’un droit de republication doit-il être uniquement soutenu par des modifications de loi(s), ou devrait-il être réalisé par des règlements universitaires et/ou des contrats?
- Quels articles de loi doivent être modifiés, amendés ou mieux appliqués pour l’introduction et le soutien au droit de republication ? Loi sur le Droit d’auteur (LDA), Code des Obligations (CO), Loi Fédérale sur le Droit Privé International (LDPI)? Comment s'assurer un droit de republication sur des contrats d'édition internationaux, autrement dit, comment faire en sorte que le droit suisse s'applique à des contrats d'édition pour permettre aux chercheurs d'exercer réellement leur droit de republication?
- Est-ce que la cession exclusive du droit d'auteur(-chercheur) à l'éditeur doit être interdite? Si oui, comment?
- Sur quel type de document s’appliquerait un droit de republication ? Articles peer-reviewed, articles de conférences, thèses, livres, chapitres de livres, revues critiques de monographie ou chapitre de monographie issus de la recherche publique suisse?
- Sur quel type de manuscrit d’article peer-reviewed s’appliquerait le droit de republication ? PrePrint (= pre-referee)? Post-print (post-referee=article accepté)? Version d’éditeur (= pdf de version finale publiée par l’éditeur)?
- Un embargo doit-il être adopté, sur quel type document et type de manuscrits d’auteur afin d’équilibrer le rapport chercheur-auteurs et éditeurs ?
1. swissuniversities Prise de position de swissuniversities sur la révision de la loi sur le droit d’auteur et le droit voisin
- "Le frein actuel est lié au droit contractuel existant entre les auteurs et les éditeurs, qui une fois signé exclu une publication autre qu’au travers de l’éditeur en question. Les dispositions sur le contrat d’édition figurent aux articles 381 al. 1, 382 et 393 al. 2 du Code des obligations. Or, les oeuvres scientifiques ont vocation à être disponibles, accessibles et publiées de manière gratuite et durable. Ce droit de deuxième publication doit pouvoir être garanti sans qu’un contrat d’édition ne puisse s’y substituer. Grâce au droit de deuxième publication, les auteurs scientifiques auraient la possibilité de publier leurs travaux en ligne dans une courte période suivant la première publication sans payer de frais supplémentaires. Il va sans dire que sans cette deuxième publication, la stratégie Open Access sera presque impossible à mettre en oeuvre"
- Objet du droit de republication - spécification du type de document : n/a
- Objet du droit de republication - spécification de la version de manuscrit d’article peer-reviewed : n/a
- Période d’embargo : courte période
- Articles de loi concernés : LDA et CO à modifier
- Proposition de texte de loi rédigée : n/a
2. Conférence des Bibliothèques Universitaires ( CBU) L'open access dans les bibliothèques des hautes écoles suisses - Concrétisation de la position de la CBU
- "Le droit de deuxième publication doit être facilité par des règles simples prévoyant des périodes d’embargo courtes (conformes aux délais observés en Europe et aux USA : de 6 à 12 mois max.). Après échéance d’une période d’embargo, c’est la version finale de l’éditeur qui doit pouvoir si possible être diffusée. Par contre, aucun embargo ne doit être exigé pour les postprints (manuscrits acceptés). La mention obligatoire de déclarations telles que « Ce texte est soumis aux dispositions de… » doit en outre être abolie"
- Objet du droit de republication - spécification du type de document : n/a
- Objet du droit de republication - spécification de la version de manuscrit d’article peer-reviewed : pdf éditeur, post-prints, preprints
- Période d’embargo : pdf éditeur : aucun, post-print et preprints : 6 à 12 mois
- Articles de loi concernés : n/a
- Proposition de texte de loi rédigée : n/a
3. Rechtswissenschaftliches Institut, Zürich Profs Florent Thouvenin, Daniel Hürlimann, Bertil Cottier, & Blaise Carron [sur le site IPI, position 6.87], ParlDigi (Groupe parlementaire pour une informatique durable) Vernehmlassungsantwort zum Entwurf des Urheberrechtsgesetzes, Académie des Sciences Humaines et Sociales Vernehmlassung zum Urheberrechtsgesetz (URG), FNS (Fond National Suisse) Änderung des Urheberrechts-Gesetzes; Vernehmlassung des SNF
- "Cela crée le risque que la loi de la publication secondaire ne s'applique pas, en dépit de son caractère obligatoire dans un contexte international. Cependant, la Loi fédérale sur le Droit Privé International (LDPI) prévoit que certaines dispositions du droit suisse sont applicables et prévalent sur un droit étranger (Art. 18 de la LDPI) à certaines conditions, et que l'on appelle. « Loi d'application immédiate ». Cela est particulièrement le cas lorsqu'une détermination tient compte du but spécifique de la mise en application exclusive, par exemple, parce qu'elle a été adoptée dans l'intérêt public ou parce qu'il sert la protection sociale. Ces deux conditions réunies ici. Tout d'abord, la loi de la publication secondaire est de veiller à l’accessibilité à la recherche financée avec des fonds publics; d'autre part, il faut aider l'auteur ou le détenteur du droit à l’empêcher de transférer le droit de publication secondaire à l'éditeur parce qu'il n'a pas suffisamment de pouvoir de négociation dans les négociations contractuelles. (...) Afin d'éviter toute confusion I’Institut de Droit devrait informer explicitement le Conseil Fédéral dans le message publié avec le projet de loi, que la loi de la publication secondaire doit être considérée comme une « loi d'application immédiate" (libre traduction de l'allemand)
- Objet du droit de republication - spécification du type de document : n/a
- Objet du droit de republication - spécification du manuscrit d’article peer-reviewed : n/a
- Période d’embargo : n/a
- Articles de loi concernés : Art.381 CO à modifier, et Art.18 LDPI à appliquer
- Proposition de texte de loi rédigée : Nouveau § à Art. 381: Nicht auf den Verleger übertragen werden kann das Recht, einen mit öffentlichen Mitteln finanzierten Beitrag für eine wissenschaftliche Zeitschrift oder ein wissenschaftliches Sammelwerk unentgeltlich öffentlich zugänglich zu machen »
4. Sylvie Vullioud (Re)donner le droit d'auteur aux chercheurs-auteurs scientifiques par la Loi sur le Droit d'Auteur (LDA) et le Code des Obligations Suisse (COS)
- "L'auteur d'un article scientifique conserve son droit d'auteur exclusif sur les versions publiée, le pre-referee et post-referee d'un article scientifique. La cession exclusive du droit d'auteur à un éditeur par contrat est interdite. Le chercheur accorde au mieux une licence non exclusive d'exploitation de son article à un éditeur, ou d'un commun accord avec l'éditeur, ne prévoit aucune cession. Ce dispositif s'applique lorsque cette contribution scientifique est née d'une activité de recherche financée, même en partie, par des ressources publiques suisses et publiée dans un journal à comité de lecture"
"En droit privé international, le principe de la loi d'autonomie autorise les parties au contrat international à désigner la loi applicable au contrat. Mais si un article scientifique est issu d'une recherche d'un financement public suisse, qu'elle est réalisée en Suisse ou en partie, et que le droit est exclusivement détenu par le chercheur-auteur, on peut considérer que c'est l'article 122 de "l'application des contrats en matière de propriété intellectuelle de la Loi fédérale sur le Droit International Privé (LDIP)" qui s'appliquerait, c'est à dire la loi suisse (le lieu de la réalisation de la recherche se rattacherait au contrat de licence)" - Objet du droit de republication - spécification du type de document : article peer-reviewed
- Objet du droit de republication - spécification du manuscrit d’article peer-reviewed : post-print et preprints
- Période d’embargo : post-print et preprints : 6 à 12 mois
- Articles de loi concernés : LDA et Art.381 CO à modifier, et Art.122 LDPI à appliquer
- Proposition de texte de loi rédigée : n/a
Mais ils ont besoin de leur pairs universitaires juristes et professeurs spécialistes de la propriété intellectuelle pour rédiger des nouveaux textes de lois et règlements institutionnels, et se battre auprès d’elles pour refuser les signatures de contrats défavorables à la réalisation d’Open Science.
Spécifiquement, des juristes et professeurs de droit spécialistes de la propriété intellectuelle, les responsables des archives ouvertes institutionnelles, et des formateurs à la publication scientifiques pourraient constituer un groupe de travail financé par les projets de la Confédération P5 Information scientifique pour l'adoption d'une position commune qui soutienne la stratégie OA de swissuniversities; ce même groupe, mais élargi, pourrait aussi travailler sur les dispositifs législatifs permettant la transparence des coûts des licences et APC (Article Processing Charges), l’appui aux négociations des licences, l’appui aux négociations pour des offsettings, et l'appui à la réalisation d'Open Research Data (ORD) articulées avec la confidentialité, le secret des affaires, et la protection des données. ORD doit aussi être compatible avec les règlements universitaires et les agences de financement suisses et européennes. Ce groupe de travail pourrait être par la suite transformé en service de soutien juridique à Open Science?
J’espère que ce billet contribuera à des échanges d'idées et de compétences?!
[Ajouts 25.05.2017 et du 26.06.2017 ]
Si l'abandon de la pratique de la cession exclusive du Droit d'Auteur à l'éditeur pour les articles peer-review et manuscrits d'auteurs est impossible à faire passer par un changement de loi, une solution moins radicale et pragmatique serait de suivre l'idée de Untangling Academic Publishing A history of the relationship between commercial interests, academic prestige and the circulation of research: "University leaders should introduce measures to ensure that the copyright in academic work is retained by its creator, rather than being transferred into third-party organisations. This is an appropriate rebalancing that will allow researchers to assume greater responsibility in the dissemination of the fruits of their work"(p.19). Les Universités du Sussex en UK ont choisi de réaliser cette idée par la formulation règlement UK Scholarly Communications Licence, en exploitant la pratique actuelle du contrat d'édition, qui comprend le transfert des droits d'auteur par signature après l'acceptation de l'article révisé par les pairs; le nouveau règlement demande aux auteurs de déposer dans les archives institutionnelles l'article accepté avant la signature du contrat de cession exclusive des droits pour publication, ce qui empêche la période d'embargo sur les manuscrits d'auteur-chercheurs. Ces derniers apposent une licence CC-BY autorisant une réutilisation commerciale, pour rendre possible une publication par un l'éditeur. Un service juridique anglais a évalué les risques de recours par les éditeurs: ils seraient nuls, ainsi que les refus de publication aux auteurs-chercheurs, les éditeurs ne prenant pas le risque d'endommager leur réputation. Idée séduisante pour les inconditionnels pro open access, mais selon moi, cette solution comporte un problème majeur: le chercheur n'est pas libre d'apposer la license de réutilisation sur son manuscrit, et cela pourrait constituer une atteinte à la liberté académique. Mais cette disposition réglementaire est intéressante pour sa souplesse: elle pourrait être utilisée transitoirement pour faire pression sur la nécessaire réforme du droit d'auteur?
Si les modifications et applications de loi en faveur de l'OA sont impossibles à obtenir, l'alternative ne pourrait-elle pas être la participation à la future plateforme de publication par la Commission Européenne, ou la création d’une plateforme de publication par le Fonds National Suisse (FNS) sur le modèle des plateformes du Wellcome Trust et Bill & Melinda Gates Foundation, ou sur une nouvelle idée ?
Note 1 : en fait, seul le siège social d’Informa est à Zug, car les sièges sociaux d’Elsevier du groupe RELX se trouvent à Londres et Amsterdam, et celui de NatureSpringer du groupe Holzbrinck à Stuttgart. RELX et NatureSpringer ont des holdings à Neuchâtel et Zürich. Le qualificatif siège est donc à traduire sociétés mères ou holdings principales, qui organisent l'optimisation fiscale des groupes. Le nombre d'emplois en Suisse liés aux activités de ces holdings est donc faible.
Note 2 : la DUN intervient pour la défense des intérêts de tous les utilisateurs de droits d’auteur et de droits voisins, et dont les activités portent entre autres sur les questions de principe en matière d’intervention de l’Etat.
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